Nous arrivons en mode sécure à Phnom Penh, moi dans la peau de Lara et Merlin dans celle de Rambo. Je rappelle que beaucoup de Cambodgiens nous ont avertis des dangers et de la violence de la capitale.
Le bus local met des heures à relier les temples d’Angkor à Phnom Penh et à vrai dire, nous sommes sortis de là complètement vannés et imbibés de musique cambodgienne qu’ils écoutent à fond. Un cuistot indien nous avait préparé deux massalas à emporter car on n’en peut plus de leurs noodles soups. Merlin résiste à sa forte envie de geeker pour observer la route, les gens, les paysages. Nous continuons à suivre le Mékong. Les petites cabanes en bois sont parfois très hautes sur des supports en bois ou en béton, il n’y a presque jamais rien à l’intérieur. Les gens vivent dehors, nous les voyons dans leurs hamacs, attendre un acheteur de fruits ou de babioles d’épicerie. Partout, des animaux en liberté. Parfois, le chauffeur pile devant un bovin et on se regarde avec un air soulagé. Hélas, un accident grave de la circulation s’est encore produit avec une voiture sur le toit et un scooter en mille morceaux. Les gens regardent. Il n’y a pas de secours.
Ils conduisent, comme au Laos, à grands coups de klaxons et comme des têtes brûlées. Soudain, la capitale nous apparaît avec un énorme centre commercial lumineux qui contraste à mort avec la pauvreté ambiante du pays. Les marques de luxe françaises s’affichent sans honte alors que le salaire moyen d’un Cambodgien est de 100 dollars…On se fait assaillir par des chauffeurs de tuk-tuk. Négocier encore. L’hôtel que j’ai booké s’appelle poétiquement « Lalune ». Il est loin du centre mais nous avons eu une chance de fous en allant là-bas, vous saurez bientôt pourquoi. Le chauffeur descend pour tirer les rideaux de son char : « Be carefull, be carefull », en faisant allusion aux vols à la tire. Mes pieds sont dans les lanières de notre sac et j’ai une pochette plate option discrétion totale sur le ventre, il faudrait me mettre à poil pour piquer nos passeports et le flouze.
On arrive à « Lalune », choisi pour la possibilité de monter sur le toit et de voir tout Phnom Penh. Nous avons la joie de rencontrer la boss, Cathy, une Cambodgienne qui a vécu 20 ans en France. Elle avait fui la folie meurtrière de Pol Pot, le dictateur communiste sanguinaire qui tua 20% de la population dans la torture. Un massacre sans nom. Elle est revenue il y a peu de temps avec son mari français et tient chaleureusement cet hôtel dans lequel nous avons été reçus comme des princes. La gentillesse, les conseils, les confidences sur son passé douloureux et la situation du Cambodge aujourd’hui nous ont beaucoup touchés. Tout est à refaire, à reconstruire, à réinventer. Les Chinois le savent bien. Ils sont détestés des Cambodgiens qui leur vendent quand même leurs terres…
Notre objectif dans la capitale est de faire réparer l’ordinateur et d’en savoir davantage sur ce satan de Pol Pot. La chance, c’est qu’en arrivant, j’ai vu la devanture d’un immense magasin d’informatique ! Dans notre rue ! Bref le lendemain, ils nous ont réparé le bolide sur lequel Merlin bosse ses cours de cinquième en…5 minutes, pour 10 dollars ! Next, mission deux, on s’enfonce dans la ville et on se régale au marché russe de plats encore jamais vus ni goûtés. Un plat frit par ici, d’autres mets par là…On s’amuse à tenter la diversité culinaire en étant parfois ravis, parfois déçus. De temps en temps, des odeurs atroces nous retournent l’estomac, surtout dans les étals de poissons. Avec les 35 degrés ambiants c’est limite vomitif. Allez, on s’échappe vers le palais présidentiel. On s’asseoit sur les bords du fleuve. Il y a des diseuses de bonne aventure, des enfants nus, des joueurs de balle, des vendeurs ambulants de fleurs, d’offrandes, des moines bouddhistes. La lumière est dorée. Tout semble paisible, beau.
Les Cambodgiens sont bouddhistes en majorité, comme les Laotiens et les Thaïlandais. Il y a 2% de Musulmans, issus de la tribu Cham, d’ailleurs à Siem Reap, nous dormions en face d’une Mosquée avec bien sûr l’appel à la prière cinq fois par jour que j’aime entendre.
Le lendemain, nous visitons la tristement célèbre prison S21, une ancienne école, dans laquelle des milliers d’enfants, de femmes et d’hommes sont morts dans d’atroces souffrances entre 1975 et 1979. Ils étaient accusés par les révolutionnaires, les Khmers rouges dirigés par Pol Pot, d’appartenir à la CIA ou au KGB. Ou bien encore d’être intellectuels, artistes, moines bouddhistes ou opposés au régime despotique de Pol Pot, ce médiocre cinglé.
L’une des salles de torture dans lesquelles les libérateurs vietnamiens découvrirent des corps suppliciés.
Une cellule de la prison S21
Un couloir bordé de cellules
Nous avons eu la chance de rencontrer Bou Meng, l’un des rares survivants du massacre. Il savait peindre et c’est ce qui l’a sauvé. Pol Pot cherchait des gens pour peindre des portraits de lui…
Il raconte le quotidien des prisonniers et le contexte du Cambodge. Merlin lit son livre et me le raconte, une façon de le faire lire car il adore toujours autant l’Histoire et n’a plus rien à lire. Pour une fois, il a dévoré les livres d’école qui étaient de vrais pavés d’ailleurs (et lourds dans le sac, merci le Cned…) mais vraiment de bons bouquins pour la jeunesse (Le Royaume du Nord de Philip Pullman et La quête d’Ewilan de Pierre Bottero).
Merlin est très doué pour se repérer dans l’espace. Maintenant, il reconnaît très rapidement des lieux pourtant vus qu’une seule fois. Parfois, c’est lui qui guide les tuk-tuks dans la capitale, en anglais, avec ou sans son gps. Nous utilisons une application formidable, maps.me, qui ne nécessite aucune connexion Internet pour repérer notre position et qui affiche les moindres recoins de ville ou de campagne.
Il a aussi bien progressé en anglais et n’est plus du tout timide. Il ose demander des trucs aux gens, rire avec eux, leur répondre avec un naturel qui m’épate. Il a un tel potentiel que je suis bien heureuse que ce voyage lui donne confiance car il montre sa vraie personnalité qui est complètement délicieuse et pleine d’humour. Et ce n’est certainement pas le système scolaire avec son lot de stress et de professeurs hautains ou frustrés qui aurait permis cela.
Ici au Cambodge, les écoles sont payantes donc beaucoup de gosses n’y vont pas et aident leurs parents dans les tâches quotidiennes et leur métier. En moyenne, il y a 3 ou 4 enfants par famille donc l’école coûterait trop cher.
Au moment où j’écris, nous sommes arrivés à Kep, dans le sud du pays et je reçois de l’eau du plafond sur ma jambe gauche. Je me demande pourquoi et je repense au plafond du bahut de St Nazaire qui s’était effondré dans le Cdi. C’est notre troisième hôtel en 5 jours. Le premier puait trop, le deuxième, le « boat house » est géré par un vieux triple con, avare et dégoûtant (hygiène des chambres à faire pâlir) et nous voilà en front de mer dans un petit hôtel étrange mais cool. Étrange à cause de ses gouttes et de ses 2 lits xxl qui nous permettent à peine de marcher dans la pièce mais le golfe de Thaïlande est face à nous. Nous avons sympathisé avec Sokha (« Like Soca dance », comme il dit en riant), un Cambodgien qui nous a amenés ici. Kep est un petit paradis terrestre. Fondé par les frenchies pendant la période indochinoise, la révolution Khmère a détruit les belles villas et fait fuir les colons. Aujourd’hui, il reste des ruines qui nous font rêver, et en face la mer. Derrière, la jungle sauvage et merveilleuse.
Nous croisons une flopée d’animaux et d’insectes. D’ailleurs hier, en visitant une maison abandonnée dans la jungle, Merlin s’est fait envahir de grosses fournis rouges. Tout Kep entendait ses cris terrorisés pendant que moi je ne savais pas ce qu’il avait. Mais il retirait sa basket en hurlant. Soudain il me crie : « Araignées ! Fourmis ! » Je prends son pied et chasse toutes les énormes fourmis rouges qui passaient et repassaient. Sa chaussette en était remplie ! Dans la panique, il s’etait imaginé qu’il y avait une nuée d’araignées en prime. Pas de chance, il avait marché sur une fourmilière. La panique passée, et la joie revenue, nous avons parcouru 15 km de jungle. Sur les sentiers, nous avons vu plein d’oiseaux, de gigantesques papillons, des libellules et toutes sortes de lézards.
Et dans les rues aussi nous rencontrons des animaux, entre les chats qui lèchent les restes de poissons, les vaches et les singes.
La nature quant à elle est enchanteresse. Je vous laisse imaginer une débauche de jungle généreuse, pleine de lianes et de fruits, arborant tous les dégradés de verts possibles. L’ombre qu’elle offre nous repose malgré les kilomètres qui s’enchaînent sous nos pieds assoiffés d’aventures. Les arbres sont gigantesques, plus gros que le plus gros de nos chênes. Tout est abondance splendide, magnificence délirante.
La mer regorge de poissons que l’on peut déguster au marché de Kep, face au golfe de Thaïlande. Vous sentez maintenant pourquoi je parlais de paradis terrestre ?
La plage est belle et l’eau est si chaude que l’on se baignerait toute la journée. Les familles cambodgiennes pique-niquent au bord, sur le trottoir, à l’ombre des grands arbres. Les femmes se baignent tout habillées, du coup je n’ose pas le bikini et je fais comme elles. En même temps, cela protège du soleil qui tappe fort et qui peut blesser. Merlin quant à lui a toujours été heureux dans l’eau, depuis qu’il est bébé il s’y épanouit, il était ce qu’on appelle un « bébé nageur ». Les familles cambodgiennes nous sourient dans la mer, les enfants viennent éclabousser Merlin, les papas viennent le chahuter. Et mince, ils veulent encore une séance de selfies.
Les pêcheurs ramènent toutes sortes de poissons mais aussi des crabes bleus azur. Nous aimons leurs bateaux longs et colorés. À pied dans l’eau, les femmes pêchent aussi et disposent un filet près de la côte.
Nous ne sommes plus qu’à 45 km du Vietnam. Merlin fait son évaluation de maths sur la proportionnalité pendant que j’écris. Au loin, on entend la musique électro d’un tuk tuk mais de près c’est le grincement du ventilo qui nous caresse les lobes. La chaleur est écrasante aujourd’hui, elle dépasse 35 degrés je pense.
Sinon, inutile de vous dire qu’il n’y a aucun supermarché mais uniquement de petits magasins, de minuscules épiceries assez mal achalandées. L’autre jour, en cherchant de quoi petit-déjeuner, nous sommes tombés sur des paquets de « Baby bites ». Comment vous expliquer le fou-rire qui nous a pris, la tête de la Cambodgienne, la difficulté dans le choix d’une nourriture souvent…surprenante ? Le stock était conséquent en tout cas. Je dois préciser qu’à côté se trouvait un autre type de gateaux « Les bitz, full bite size ». On n’arrêtait plus de se fendre la poire. Quand l’un s’arrêtait, c’est l’autre qui reprenait…😂🙊😜
Nous avons aussi observé la mangrove, ces forêts qui bordent la mer avec des racines qui sortent de l’eau. Il y a des crabes et des poissons capables de respirer quelques heures quand la mer descend. Il s’agit d’un écosystème unique et très spécial. Fascinant à bien des égards. Par ailleurs, cette barrière naturelle a en partie protégé les côtes du tsunami…
Les Cambodgiens de Kep sont parfois « fort thunés », certains arrivent avec leur chauffeur, les enfants sont tirés aux quatre épingles, ils viennent profiter du bord de mer, assis sur le trottoir, sur des nattes, à l’ombre des arbres gigantesques. D’autres sortent les enceintes amplifiées et se mettent à déjeuner ou à dîner dans une ambiance des plus joviales. On se fait inviter à manger, certains locaux nous offrent des fruits, des mangues, des « ampals » (c’est le nom cambodgien pour le fruit du Tamarin), des litchis qui sont délicieux aussi. Et dans cette générosité ambiante, notre jeune pote Sokha adore taquiner Merlin, il le chatouille, le prend sur son dos, s’amuse à le voir nager dans la mer toute bleue.
Demain, lundi 12 mars, nous passerons la frontière du Vietnam, nous continuons à suivre le Mékong qui se jette au Vietnam, dans la mer de Chine. L’aventure continue en ex-terre indochinoise, avec nos semelles de vent et nos quelques kilos d’affaires, à la rencontre des sourires asiates et des flots indomptables du grand fleuve.
Quelques citations du jour pour l’orthographe et la réflexion de Merlin (avec à chaque fois un joyeux souvenir pour tous mes jeunes 💛) :
« Nous sommes ce que nous pensons. Tout ce que nous sommes est le résultat de nos pensées. » Bouddha 💥
« N’essayez pas de devenir une Homme qui a du succès. Essayez de devenir un Homme qui a de la valeur. » Albert Einstein 💡
« Sous le capitalisme, les gens ont davantage de voitures. Sous le communisme, ils ont davantage de parkings ». Winston Churchill 🌟
Portez-vous bien chers lecteurs 💟
À suivre 💨🔆